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Reconnaissons dans cette funeste et cruelle guerre du Sud, ses véritables causes ; et n’allons pas y chercher autre chose, copier bénévolement les écrits des étrangers, particulièrement des écrivains français, qui, abusés par les termes et les distinctions établies par le système colonial, ont attribué cette querelle à une haine instinctive entre le noir et le mulâtre. Nous leur faisons l’honneur de croire qu’ils ont été égarés ; mais, si cette interprétation erronée de nos discordes passées pouvait tendre à occasionner encore des querelles parmi nous, ce doit être pour nous un motif de plus de la repousser. De telles discordes se sont vues et se voient encore en Europe parmi les blancs ; il en est de même en Afrique parmi les noirs : il n’est donc pas étonnant qu’il y en ait eu entre les noirs et les mulâtres à Saint-Domingue, car tous les hommes se ressemblent par leurs passions.

Nous arriverons un jour à la guerre civile entre Henri Christophe et Pétion, où de semblables faits se sont reproduits en Haïti ; nous prouverons encore que cette querelle ne fut pas suscitée par la différence des couleurs, des castes. Ecoutez cependant les écrits des étrangers, ignorant ses véritables causes ; ils vous disent que ce fut encore une guerre de couleur, de caste. Mais quand Christophe proposait à Pétion et Geffrard d’abattre Dessalines, y avait-il de sa part une idée de couleur ni de caste ? Il voulait seulement succéder au pouvoir autocratique de l’Empereur ; et de ce que Pétion était un mulâtre et qu’il devint le Fondateur de la République d’Haïti, on ne verrait dans sa résolution qu’une idée de couleur, de caste, contre Dessalines ! Nous ne pouvons admettre de tels raisonnemens, fondés uniquement sur la couleur des hommes, acteurs des événemens à relater.