Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la colonie, qui voyaient dans la métropole une puissance qui avait proclamé les grands principes de liberté et d’égalité en faveur de tous les hommes, Rigaud avait dû, comme eux, faire une grande différence entre Hédouville et Sonthonax. L’ambition effrénée du général en chef lui suggère une opposition sourde à cet agent ; elle éclate bientôt par un mouvement insurrectionnel qui contraint l’agent à fuir ; et, en partant, il donne à Rigaud un commandement indépendant de son chef, parce qu’il dénonce ce dernier comme coupable de connivences avec les ennemis de la métropole : ces connivences étaient visibles à tous les yeux.

Si la mésintelligence d’Hédouville avec T. Louverture n’avait pas eu pour cause visible, la protection que ce dernier accordait aux émigrés contrairement aux lois de la France, et ses relations avec les Anglais, Rigaud, à nos yeux, eût été coupable de s’autoriser de la lettre de cet agent pour prétendre au commandement de tout le département du Sud. Mais la conduite de T. Louverture n’était nullement rassurante pour la liberté générale, quoiqu’il eût constamment ce mot à la bouche pour commettre ses attentats contre l’autorité de la métropole ; elle ne l’était pas davantage pour les anciens libres. Rigaud devait donc s’en défier, attendre ou de Roume, nouvel agent, ou du Directoire exécutif lui-même, une décision à cet égard.

Cependant, Rigaud continue de correspondre avec le général en chef, malgré ses accusations à propos des noirs envers lesquels il suppose le général du Sud animé de mauvais sentimens. Cette correspondance n’est pas exempte d’aigreurs, il est vrai ; mais Rigaud ne veut pas briser avec lui. Roume arrive enfin au Port-au-Prince ; il les appelle en conférences et se montre d’accord avec T. Lou-