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le colon interlocuteur pourrait lui rapporter ces paroles. Car s’il était fermement résolu à défendre la liberté des noirs, qu’il avait foulée aux pieds, eût-il proclamé qu’il fallait se soumettre aux envoyés de la France avec le respect de la piété filiale ? N’eût-il pas donné à ses généraux des ordres formels de résistance ? Loin de là, il les laissa dans le vague, il les abandonna à leur propre impulsion.

C’est qu’au fond, T. Louverture restait conséquent à tous ses antécédens. Il sentait d’ailleurs que d’après sa conduite, d’après ses œuvres, il n’avait plus le droit de tenir un langage énergique à ses frères. Sans revenir à ses atrocités pendant et après la guerre du Sud, les massacres qu’il venait de faire commettre dans le Nord par rapport à l’assassinat des blancs par les cultivateurs de ce département, l’avertissaient qu’il s’était dépopularisé, qu’il était un homme fini, à bout de sa puissance.

La preuve du déconcertement de son esprit, ordinairement si ferme, si résolu, se trouve encore dans le voyage qu’il effectua, après sa proclamation du 18 décembre, en se portant à Santo-Domingo pour y installer le tribunal d’appel en personne, conformément à sa constitution. Etait-ce dans une telle conjoncture qu’il devait s’éloigner de la partie française, où la force de son pouvoir résidait dans ses premiers lieutenans ? Ne devait-il pas savoir, par expérience, que ce serait dans le Nord que les vaisseaux aborderaient en premier lieu ? Mais, après le meurtre récent de l’infortuné Moïse, comment s’y serait-il tenu, il est vrai, pour préparer la défense contre l’armée expéditionnaire ?

À ce sujet M. Madiou dit :

« Il partit du Port-Républicain où il laissa Lamartinière, homme de couleur, commandant de la 3e coloniale