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de Toussaint, de Rigaud, de Moïse, de Dessalines et de Christophe ; il y en aura fort peu de la République. L’ostracisme est ici commandé par la loi impérieuse du salut de la colonie[1]… »

Tels furent les conseils donnés au gouvernement consulaire, en septembre 1801, par Kerverseau en qui nous avons reconnu de l’honnêteté dans ses sentimens, de la modération dans son langage comme dans sa conduite. Arrivé au moment de conclure son rapport, il ne fit pas attention qu’en faisant une nouvelle édition du discours de l’abbé Maury, prononcé à la constituante le 13 mai 1791, il allait fournir l’idée de mesures diamétralement opposées à ses vues pour le maintien de la liberté des noirs : conseiller l’ostracisme de tous leurs chefs, n’était-ce pas exciter, en quelque sorte, au rétablissement de leur esclavage ? Qui les avait guidés dans la conquête de ce droit précieux, sinon ces chefs ? Qui les avait conduits dans les nombreux combats livrés aux Anglais pendant cinq années consécutives ? Et c’était-là, enfin, la récompense réservée à ces hommes de la race noire qui se dévouèrent à la défense de Saint-Domingue, qui versèrent leur sang pour l’arracher aux mains des ennemis de la France, avec lesquels les colons blancs s’entendaient pour la ravir à leur patrie !…

Cependant, T. Louverture avait rétabli ces mêmes colons dans tous leurs privilèges, au détriment de ses frères ; ceux-ci étaient redevenus esclaves par toutes les mesures qu’il avait prises contre eux ; mais il était noir, il n’était

  1. Cette partie du rapport de Kerverseau est un passage d’une lettre du 13 juin 1800 qu’il adressa de Santo-Domingo, au ministre de la marine, avant la fuite de Rigaud, au moment où le colonel Vincent et ses collègues y arrivaient connue agens du gouvernement consulaire.