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ordre de Dessalines ; le châtiment fut si sévère que l’avortement s’en suivit sur le lieu même[1]. »

Et Mackensie avait parcouru toute l’île en tout sens, recueillant des renseignemens de tout le monde, de beaucoup d’hommes qui avaient été acteurs ou témoins des faits qu’il relaya au gouvernement anglais.

Pamphile de Lacroix raconte de pareilles choses dans ses mémoires. « On conçoit, dit-il, qu’avec des moyens aussi barbares, dix nouveaux citoyens, prétendus libres, menacés de l’inspection du général Dessalines, faisaient plus de travail et cultivaient mieux que trente esclaves d’autrefois[2]. » De là l’idée erronée qu’il eut sur la grande prospérité de la colonie pendant le gouvernement de T. Louverture.

On peut remarquer, dans ces deux citations, qu’il est fortement question des rigueurs de Dessalines et non pas de Moïse. Bientôt, en effet, nous parlerons de Moïse, de sa mort, occasionnée en grande partie pour sa négligence à ce sujet ; c’est-à-dire, pour son humanité envers les cultivateurs.

La conséquence à tirer du système agricole de T. Louverture, de son administration de fer (et c’est pour cela que nous avons fait ces citations), c’est que les blancs colons jouissaient sous lui de toutes leurs prérogatives, c’est qu’il réagit contre les noirs cultivateurs, ses propres frères, dans l’intérêt de ces colons. Les chefs militaires profitèrent sans doute de cet état de choses ; mais, dans

  1. Dessalines était fermier de 32 habitations sucreries dont on estimait les revenus à 20 mille piastres chacune. En réduisant cette estimation à la moitié, c’était déjà une immense fortune : de là son intérêt personnel à user de férocité envers les cultivateurs.
  2. Tome 2, p. 47.