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dent de l’assemblée centrale, prononça sur l’autel de la patrie l’adresse suivante déjà rédigée au Port-au-Prince, dès le 9 mai, à la date de la constitution :

Colons français, et vous, braves Soldats,

Depuis longtemps, Saint-Domingue aspire au bonheur inappréciable d’avoir une constitution locale. Des factions qui se sont successivement remplacées dans le gouvernement de la métropole, en propageant leurs principes subversifs dans cette île lointaine, avaient étouffé les justes réclamations de ses infortunés habitans, les avaient dégradés de la dignité d’hommes libres, leur avaient ravi jusqu’aux élans précieux de ces nobles sentimens qui élèvent et agrandissent les âmes, et les avaient forcés de recevoir la loi qu’ils n’avaient ni faite ni consentie[1].

Les colonies françaises, disait la constitution de l’an 3, sont parties intégrantes de la République et sont soumises à la même loi constitutionnelle.

Ainsi, par la fatalité la plus terrible, les destinées de Saint-Domingue ont été associées à celles de la métropole qui a étendu ses ramifications à travers l’immensité des mers, et a fait courber Saint-Domingue sous l’énorme poids de son influence.

Cet état affreux, cet état de dissolution, pouvait-il avoir une durée ?… Non !… Il était réservé à un génie réédificateur de fixer bientôt le sort de la République. En effet, Bonaparte vole des confins de l’Égypte dans le cœur de la France ; et tout-à-coup les factions disparaissent ; un ordre social succède aux convulsions de l’anarchie ; la République goûte au-dedans les douceurs de la paix, et se prépare à aller en recueillir les fruits au-dehors. Une constitution nouvelle est posée ; elle est dégagée de cette multiplicité de rouages qui se heurtent mutuellement et qui donnent lieu aux cabales populaires, à la diversité d’opinions, aux calamités publiques.

Mais, cette constitution nouvelle, a-t-elle été faite pour vous, insulaires, qui habitez une région si éloignée et si différente de la métro-

  1. Brissot, les Girondins, Danton, qui firent proclamer l’égalité et la liberté générale. B. Borgella se vengeait, par ces paroles, de ces défenseurs des droits de l’humanité, de Polvérel qui lui avait remis une plume pour signer la liberté de ses esclaves, de Sonthonax qui avait interprété, comme sort collègue, les vœux de Brissot et des Girondins.