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dans ses idées, dans ses prétentions. Nous n’eussions pas blâmé, même Bauvais, si, au lieu de rester neutre, il eût pris parti pour T. Louverture. Si telle fut la conviction de Clervaux et des autres, on n’a rien à reprocher à leur mémoire. Mais aussi, on ne doit rien reprocher à la mémoire de tous les noirs, anciens et nouveaux libres, de tous les mulâtres, qui adoptèrent le parti de Rigaud, probablement parce qu’ils y virent autre chose que son ambition.

Lorsqu’un homme comme Pétion abandonna l’armée du général en chef pour aller prêter à Rigaud l’appui de son courage et de ses talens militaires, il faut croire qu’il y avait au fond de cette querelle désastreuse, autre chose que l’ambition de ce général, quelque chose qui valait la peine de cette défection remarquable. Car, nous ne supposons pas qu’il entre dans la pensée de notre compatriote, de comparer, pour l’intelligence, ni Clervaux, ni Gabart, ni Néret, etc., à Pétion.

En 1802, le général Leclerc était mieux le représentant de l’autorité de la France, que T. Louverture en 1799 : c’est donc à dire que Pétion eut tort d’abandonner l’armée française, pour se placer sous les ordres de Dessalines, son ancien ennemi ? N’est-ce pas lui qui entraîna Clervaux, H. Christophe et tant d’autres ? À cette époque, il agit encore d’après ses convictions.

Mais, voyons un autre passage du même auteur, à l’occasion de la querelle entre Hédouville et T. Louverture.

« Toussaint entrait hardiment dans le système que voulaient les colons. Excité par l’ambition, et voulant, par n’importe quel moyen, éloigner Hédouville de la colonie, il sacrifiait momentanément les vrais intérêts des noirs à la cupidité coloniale[1]. »

  1. Histoire d’Haïti, t. 1er, p 321.