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sa cause avec zèle contre Rigaud. Nous n’avons aucun reproche à leur adresser : Rigaud fut l’auteur de cette malheureuse guerre civile, en infusant de se soumettre au général en chef reconnu par la métropole. Le commandement en chef du département du Sud qui lui avait été donné par Hédouville et qui n’avait pas été confirmé par le Directoire exécutif, ne pouvait le porter à s’armer contre T. Louverture. Les officiers de couleur qui combattirent Rigaud ne virent en lui qu’un ennemi du bien public, refusant la seconde place de la colonie, voulant renverser celui auquel il devait obéissance, et se souciant fort peu, pour satisfaire son ambition, de répandre sur son pays toutes sortes de maux. Après la victoire (et avant cette victoire ?), ils gémirent des cruautés de leur chef ; ils ne prévoyaient pas cette horrible réaction ; ils eussent voulu qu’on eût pardonné aux vaincus. Mais alors que pouvaient-ils faire ? Se taire, gémir, en se soumettant à la puissance des circonstances. Dessalines disait souvent, après la guerre civile, qu’il avait reçu l’ordre de Toussaint, de faire main basse sur toute la race de couleur femmes et enfans, si des officiers tels que Clervaux, Nérette, Ferbos, Gabart, suivant l’exemple de l’adjudant-général Pétion, avaient aussi passé dans les rangs de Rigaud[1]. »

Il résulte de ce passage qui caractérise fort bien le gouvernement de T. Louverture, que M. Madiou partage entièrement l’opinion des officiers de couleur qui servirent sa cause ; il les défend contre tout reproche qu’on voudrait leur adresser.

Nous l’avons déjà dit, dans les dissensions civiles des peuples, chacun adopte le parti qui lui semble le plus juste

  1. Histoire d’Haïti t. 2, p. 94 et 95.