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effets sous tous autres rapports. M. Madiou dit à cette occasion :

« Jusqu’aujourd’hui (1847) les habitans de la partie de l’Est, qui maudissent les noms de Dessalines et de Christophe, parlent de T. Louverture sans animosité. Cependant les cinq-sixièmes de la population de ce pays étaient de couleur (mulâtres). Mais Toussaint n’y avait pas rencontré à l’établissement de son autorité les mêmes obstacles que dans la partie française. Sa conduite dans la partie de l’Est prouve que sa politique cruelle ne l’avait porté à frapper avec tant d’acharnement sur les hommes de couleur, que parce qu’ils contrariaient, comme Français dévoués à la métropole, tous ses actes tendant à l’indépendance de Saint-Domingue[1]. »

Nous convenons avec notre compatriote que T. Louverture n’exerça pas dans l’Est, les cruautés que Dessalines et Christophe y commirent en 1805. Mais nous pouvons dire aussi, que, n’ayant pas voyagé dans l’Est, comme nous l’avons fait nous-même, il ne peut guère connaître l’opinion qu’avaient les habitans de cette partie qui furent contemporains du règne de T. Louverture : il aurait pensé autrement, s’il les avait entendus. Ensuite, nous craignons qu’en faisant toujours l’honneur à T. Louverture, d’avoir conçu le projet de rendre Saint-Domingue indépendant de la France, comme Dessalines l’a fait, le lecteur ne soit induit à conclure : — que les mulâtres et les noirs anciens libres de la partie française, ayant voulu rester Français malgré T. Louverture, celui-ci a eu raison de les exterminer. Telle n’est pas la pensée de M. Madiou, nous le reconnaissons ; car l’épithète de cruelle dont il

  1. Histoire d’Haïti, t. 2, p. 86 et 87.