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vrement que produit ordinairement une grande fortune expose à bien des fautes qui entraînent la décadence. Il en est dans l’ordre moral comme dans l’ordre physique : quand on a monté bien haut, il faut descendre. Le génie extraordinaire qui contraignit T. Louverture à descendre, n’a-t-il pas subi aussi cette loi commune à l’humanité ?


C’est peut-être ici le lieu de contredire une fable créée par l’imagination du général Pamphile de Lacroix, ou racontée d’après de faux renseignemens. M. Madiou, qui a eu, selon nous, le tort de trop suivre les mémoires de cet auteur souvent inexact, la reproduit dans son Histoire d’Haïti, contre des faits et des documens certains.

Pamphile de Lacroix prétend que T. Louverture était au Cap, quand la vigie de cette ville signala un bâtiment léger venant de France ; et que, soupçonnant qu’il portait une injonction du gouvernement consulaire, contraire à la prise de possession de la partie espagnole, T. Louverture se hâta de monter à cheval, en laissant l’ordre de lui acheminer ses dépêches. Il ajoute qu’un officier français, porteur effectivement de cette injonction « s’empressa de demander des chevaux pour se mettre sur la piste du général en chef ; c’était peine inutile. Tout était préparé pour déjouer sa mission. On lui disait à chaque relai — que T. Louverture semblait avoir pressenti son arrivée ; que contre ses habitudes, il s’était reposé et n’avait cessé de dire : — J’attends des nouvelles de France, et il ne faut rien moins que cette attente pour m’empêcher d’être à la tête de mes colonnes, qui, à l’heure qu’il est, doivent être engagées. — Le pauvre officier de marine, épuisé de fatigues, repartait à l’instant à toute bride, et recueillait au premier relai les