Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secours à Borgella. Rigaud lui déclara ne pouvoir plus en donner, ayant épuisé les sommes qui étaient dans la caisse publique. Mécontent de cette réponse, Borgella, qui songeait déjà à ne plus partir, résolut de rester dans son pays et de subir toutes les vicissitudes qui s’offriraient à son sort. Néanmoins, il considéra comme un devoir pour lui, de donner à Rigaud une nouvelle preuve de son dévouement, en l’accompagnant jusqu’à Tiburon. Il fit partager ses sentimens à Lamarre et à Jean Langevin, deux autres officiers de l’escorte, qui remplirent avec lui cette obligation de la fidélité militaire.

Après que Rigaud fut parti de Tiburon, ces trois officiers reprirent la route des Cayes. Résolu à tout braver, Borgella persuada à ses camarades de se présenter à T. Louverture lui-même. En rentrant dans la ville, ils furent directement chez le général en chef à qui ils demandèrent à être présentés, et qui leur fit les questions suivantes auxquelles Borgella répondit :

« D’où venez-vous ? leur dit T. Louverture. — De Tiburon, général, où nous avons accompagné le général Rigaud. — Quand s’est-il embarqué ? — Le 29 juillet. — Il n’a donc pas reçu ma lettre ? — Non, général, elle est arrivée après son départ. — Pétion, Bellegarde, Dupont et Millet, sont-ils partis aussi ? — Oui, général. — Ils ont bienfait, car ils étaient exceptés de l’amnistie que j’ai proclamée. Comment vous nommez-vous ? — Borgella. — Êtes-vous le fils de M. Borgella ? — Oui, général. — Vous êtes le fils de mon ami, et vous me faisiez la guerre ? — Général, je vous la faisais en obéissant aux ordres de mon chef ; et je pense que si j’avais trahi sa cause, vous m’eussiez méprisé. — C’est vrai ! »

Cette franchise et ce raisonnement d’un officier qui