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éclairée de la race noire, on oppose ce dernier à lui. Hédouville, en fuyant, a jeté entre eux la pomme de discorde, et Roume qui lui succède vient attiser cette discorde.

Une correspondance pleine d’aigreurs a lieu entre ces deux rivaux, dès le départ d’Hédouville. Roume, en arrivant à son poste, les réunit en sa présence, après s’être entendu avec T. Louverture sur tous les points à discuter entre eux, par rapport à leurs commandemens respectifs. Dès l’ouverture de ces conférences, cet agent se montre partial ; il veut favoriser exclusivement le général en chef de l’armée, en annulant la décision de son prédécesseur.

Rigaud, qui s’aperçoit quel est le but de cette partialité, et qui veut ôter tout motif, tout prétexte à une guerre civile entre les hommes de la race noire, fait le sacrifice des prétentions qu’il croit légitimes de sa part ; il demande sa démission avec instance à l’agent de la France, pour s’y retirer ; il trouve dans son élection de député au corps législatif un motif honnête, honorable, de sortir de ces dissensions entre lui et son frère d’armes, son frère de race, de quitter leur pays entièrement à ses ordres.

Mais, l’agent de la France ou plutôt du Directoire exécutif, qui sent que la politique de ce gouvernement n’atteindrait pas le but qu’il se propose, par la retraite de Rigaud en France, Roume, l’hypocrite et astucieux Roume, sous l’apparence de la bonhomie, se refuse obstinément à la retraite de Rigaud. Si ce dernier a, en ce moment, une position politique, il occupe aussi un poste militaire ; en vertu des règles de la hiérarchie militaire, il ne peut l’abandonner sans l’aveu de ses supérieurs ; et T. Louverture concourt avec Roume à l’y retenir malgré lui. Pour mieux y réussir, Roume consent à lui conserver un grand