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« Je n’aurais garde de donner un tel précepte (imiter le Renard dans ses actions), si tous les hommes étaient bons ; mais, comme ils sont tous méchans, et toujours prêts à manquer à leur parole, tu ne dois pas te piquer d’être plus fidèle à la tienne ; et ce manque de foi est toujours facile à justifier[1]. »

En se dirigeant par de telles maximes, en gouvernant ses semblables avec un pareil système, on n’arrive qu’à de cruels résultats. Nous pourrions dire pour excuser T. Louverture, qu’il n’en pouvait être autrement de lui puisqu’il croyait dans les autres hommes ce qu’il sentait en lui ; mais alors, ce serait plutôt une flétrissure qu’une excuse.

Ne portons pas à son égard un jugement à priori ; attendons les faits de son gouvernement, de son administration, pour en décider. Désormais, il va régner seul à Saint-Domingue : nous aurons occasion d’examiner les actes de sa domination absolue, et nous verrons alors pourquoi il a plu à Dieu Tout-Puissant de le foudroyer, pour l’offrir en exemple à la postérité.


En attendant, disons encore un mot de Rigaud et de son heureux vainqueur.

La carrière politique et militaire de Rigaud a été terminée par sa fuite. Il est revenu un moment à Saint-Domingue avec la plupart de ses lieutenans ; mais ils ne furent employés que comme un drapeau dont on avait besoin,

  1. Machiavel, dans son livre : Le Prince. En examinant attentivement la vie entière de T. Louverture, on est porté à croire qu’il avait fait une étude approfondie de cet ouvrage, pour n’en pratiquer que les plus mauvaises maximes. Machiavel, de même que T. Louverture, jugeait-il des hommes d’après ses propres sentimens, ou seulement d’après le faux système politique qu’il conseillait à Laurent de Médicis ?