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lâtres dont l’existence gênait le plan de la faction coloniale. Ce n’est pas Rigaud seul, qui, selon lui, répugnait à obéir à un noir, ce sont tous ces méchans qui l’aidaient dans sa révolte, tous ces satellites de son ambition et de son orgueil[1]. C’était déjà beaucoup dire pour empêcher l’oubli du passé. Le paragraphe relatif aux autorités civiles et militaires compléta les idées de vengeance qu’il méditait : — malgré ma proclamation, surveillez les méchans et ne les épargnez pas.

Lorsqu’un chef déjà connu par des antécédens récens, prescrit de pareilles choses à ses subordonnés, le mot d’ordre est compris d’avance.

Lorsqu’un gouvernement part de cette base : — que l’homme est injuste, qu’il est plutôt enclin au mal qu’au bien, qu’il faut comprimer avec force ses desseins pervers, etc., son système d’administration est nécessairement, fatalement, celui de la terreur, parce qu’il est fondé sur la haine et le mépris qu’il porte aux hommes.

Nous protestons au nom de l’Humanité tout entière, contre un pareil blasphème à la nature de l’homme. Il n’appartenait qu’au serviteur, à l’allié, à l’ami des colons de Saint-Domingue, de prononcer cette impiété, de l’écrire dans un de ses actes, pour motiver ses rigueurs injustes, pour se justifier des crimes déjà commis par ses ordres et de ceux qu’il méditait en ce moment, contre les hommes du département du Sud auxquels il garantissait l’oubli du passé. Une telle proposition n’est digne de figurer que dans le code des maximes odieuses de celui qui disait aussi :

  1. T. Louverture n’était-il pas un noir, quand Rigaud lui obéissait depuis le départ de Sonthonax jusqu’à celui d’Hédouville ? Mais alors, il refusa obéissance au noir révéla de la peau blanche des émigrés, qui avaient trahi la cause de leur patrie à tous.