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fureur chez les chefs désespérés d’une caste si irascible (les mulâtres) ; et le colonel Vincent ne dut la conservation de sa vie qu’à l’attention de s’être muni d’une lettre du jeune Rigaud, qui le nommait son second père en reconnaissance des soins qu’il lui avait témoignés au collège de Liancourt[1]. »

Nous regrettons de trouver dans l’ouvrage de M. Madiou, une addition à cette injuste imputation de ce général français, qui n’a trouvé l’occasion de faire quelque éloge de Rigaud, que lorsqu’il combattait contre les Anglais ; et l’on conçoit pourquoi. Cet auteur national prétend que : « Les mots de vengeance, d’arrestation, d’exécution (à mort sans doute) sortirent de la bouche de Rigaud ; qu’il eût méprisé le sauf-conduit et fait emprisonner les députés, sans la lettre du jeune Rigaud[2]… »

Or, le rapport du colonel Vincent, au ministre de la marine, ne dit pas un mot de toutes ces prétendues menaces contre sa vie. On conçoit que la lettre de son fils dut porter Rigaud au calme, en présence d’un homme qui avait témoigné de l’intérêt à ce jeune homme ; mais on ne peut admettre que, se reconnaissant déjà vaincu dans le Sud et n’ayant d’autre refuge que la France, il eût conçu l’idée de sacrifier le colonel Vincent, ni même de l’arrêter, de l’emprisonner, quelle que fût sa colère en cet instant. Comment ! M. Madiou n’a pas remarqué dans les deux volumes de Pamphile de Lacroix, qu’il nomme un écrivain impartial, que toutes les fois qu’il s’agit des mulâtres, cet auteur s’efforce de les opposer aux noirs, qu’il les ravale autant qu’il peut ! Il n’a été impartial, que lorsqu’il

  1. Mémoires t. 1 er p. 391 à 392.
  2. Histoire d’Haïti, t. 2. p. 55.