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Voilà le langage de l’homme qui disait à Laveaux, dans une de ses lettres, que Sonthonax n’était pas plus ami des noirs que lui ; qui accusait tout récemment Rigaud et tous les hommes de couleur, de vouloir rétablir leur esclavage ! Dans cette lettre à Agé, il se montre tout au plus partisan d’une liberté graduelle qui, selon lui, aurait dû être préférée à la liberté générale subite. Eh bien ! n’était-ce pas, dans le principe de la révolution, l’idée qui dominait Vincent Ogé et beaucoup d’autres hommes de couleur, dans la pensée d’amener la liberté de tous sans secousse[1] ? Mais quand la liberté générale fut proclamée, Rigaud et les autres qui combattaient sous lui, n’acceptèrent-ils pas cet ordre de choses avec sincérité, tandis que T. Louverture servait les Espagnols pour rétablir l’esclavage ? La sollicitude de ce dernier pour les colons, pour ces Césars qui erraient dans les pays étrangers, ne se dévoile-t-elle pas dans toutes les lignes de cette lettre ? Ne fut-elle pas constamment le sentiment qui domina en lui, soit avant, soit après la guerre du Sud ? Changea-t-il effectivement l’ordre de choses qui existait dans la partie espagnole, après qu’il l’eut réunie à la partie française ?

Le 3 juin, il écrivit encore une lettre à Agé, en réponse à celle que ce général lui adressa pour lui rendre compte des adresses du cabildo, etc., à Don Garcia. Il insista dans celle-ci sur la nécessité de la prise de possession, pour faire cesser le trafic des noirs ; il repoussa, comme mal fondés, les bruits courus à Santo-Domingo sur la violence exercée contre Roume : « Vous étiez

  1. Dans une lettre à Laveaux, en 1796, à l’occasion de l’affaire de Villatte, T. Louverture dénia tout sentiment de sympathie pour les noirs, de la part de Vincent Ogé : en 1800, ne raisonnait-il pas comme cet infortuné, même après la liberté générale ? Voyez ch. VI, p. 159 du 3me livre.