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patriote nous dit qu’il ne songea jamais à s’emparer de la partie espagnole, pendant la guerre civile ; et nous pensons comme lui à cet égard, puisque Rigaud avait à peine des troupes pour faire la guerre. S’en emparer par des députés, lui, déclaré rebelle par l’agent de la France ! Et qui aurait cédé le terrain à ces députés ? S’y réfugier après avoir été vaincu dans le Sud, y organiser un nouveau parti contre T. Louverture et Roume, même avec le concours d’A. Chanlatte ? Qui connaissait Rigaud dans cette partie ?

Quant à T. Louverture, nous avons une trop haute idée de sa capacité politique, de sa perspicacité, pour admettre jamais qu’il ait été guidé par de si frivoles motifs, qu’il ait pu supposer de telles vues à Rigaud.

Ensuite, M. Madiou prétend que T. Louverture voulait augmenter ses forces et ses ressources affaiblies par la guerre civile. Les augmenter par des troupes formées des habitans de l’Est ! Augmenter ses ressources dans un pays pauvre, dont les fonctionnaires coûtaient à l’Espagne, annuellement, 350 à 400 mille piastres pour leurs traitemens[1] ! Mais, les forces de T. Louverture n’étaient pas si affaiblies par la guerre, puisque M. Madiou les porte à 30 mille hommes sous les ordres de Dessalines, et celles de Rigaud à 900 hommes, immédiatement après l’évacuation de Jacmel[2]. Ses ressources, il les trouvait dans la terreur qu’il exerçait, dans la maraude que faisaient ses troupes pour se nourrir dans le territoire conquis, jusque-là bien cultivé ; car elles n’étaient pas soldées.

Il faut donc chercher une autre combinaison de la part de T. Louverture, dans la prise de possession de la partie espagnole.

  1. Rapport précité d’A. Chanlatte.
  2. Histoire d’Haïti, t. 2, p. 26.