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fense, à faire porter secours aux points menacés. H. Christophe essaya une seconde fois de prendre de nouveau le Grand-Fort ; mais la résolution énergique du brave Voltaire, appuyée par l’activité de la réserve d’Ogé, le contraignit à reculer devant ce fort. Là périrent quelques braves soldats européens, de la 44e, qui servaient dans l’armée du Nord : ils s’y montrèrent ce que sont toujours les Français sur le champ de bataille.

Enfin, on était arrivé dans la place assiégée, à se nourrir des choses les plus immondes : rats, vieux cuirs recueillis dans les rues ou sur les malles, herbes, raquettes étaient dévorés après les chevaux, les ânes, les chats, les chiens. 3000 hommes avaient été tués ou blessés. Dans une telle situation, Pétion prit la résolution qui guide souvent le commandant d’une ville assiégée : ce fut d’en faire sortir beaucoup de femmes et leurs enfans, comme autant de consommateurs inutiles, et dont le sort était à plaindre dans la place, puisqu’aux rigueurs de la famine se joignait le danger de périr à chaque instant par les boulets, les bombes et les obus des assiégeans. Réduit à cette extrémité pénible, il dut espérer que leur humanité accueillerait ces êtres faibles et infortunés et pourvoirait à leur salut. Les femmes qui passèrent dans la ligne commandée par H. Christophe furent reçues à coups de fusil et mitraillées. Au contraire, celles qui sortirent du côté de Laplume et de Dessalines reçurent un accueil bienveillant et furent nourries et internées dans la campagne.

Après le renvoi des femmes, on tint encore quelques jours dans la place ; mais il était impossible de continuer plus longtemps cette lutte désespérée, contre tous les maux qui assiégeaient Jacmel. Pétion résolut l’évacuation dans un conseil tenu avec les officiers supérieurs. Un brave