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part de Rigaud. Combattus par le raisonnement, ils cédèrent ; et il fut convenu qu’un secret absolu serait gardé à cet égard, pour pouvoir préparer l’évacuation. L’indiscrétion de Borno Déléard mit quelques jeunes officiers subalternes dans le secret ; ils se récrièrent, et bientôt les soldats apprirent eux-mêmes le projet des chefs. Toute la garnison s’indigna contre eux et demanda à rester et à combattre. Sublime dévouement au devoir militaire ! Les chefs de bataillon qui avaient été d’un avis contraire dans le conseil, profitèrent de cette héroïque exaltation pour obliger Birot à défendre la place.

Rigaud, dès les premiers momens du siège, était effectivement venu en personne avec une trop faible colonne pour tenter de dégager Jacmel. Un combat avait eu lieu entre lui et Charles Bélair, colonel de la 7e demi-brigade, que Dessalines fit soutenir par deux bataillons de la 4e. Battues par des forces supérieures, les troupes de Rigaud se mirent à fuir. Indigné, il descendit de cheval en leur lançant ces paroles : Lâches ! courez donc, puisque l’honneur ne vous retient pas ! Malgré les observations de ses officiers, il persista à rester à pied, tandis que l’ennemi avançait et allait les envelopper. Borgella, commandant de son escorte, et Moulite, aidés des autres officiers, l’enlevèrent, le placèrent sur son cheval et le sauvèrent ainsi d’une capture qui aurait mis fin de suite à la guerre civile. Depuis lors, il n’avait plus rien tenté en faveur de la garnison de Jacmel ; son armée resta inactive au Grand-Goave : ce qui fut une nouvelle faute de sa part, même un tort grave.

Dans leur opinion qu’une défense plus longue était impossible, Birot, Borno Déléard, P. Fontaine et Dupuche prirent la résolution d’abandonner cette brave garnison