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naïves et à l’habitation D’Héricourt ; car le général en chef était partout et en même temps nulle part : on ne savait jamais où le trouver, tant son activité lui faisait compter pour rien toutes les distances. L’agent lui disait :

« On s’égorge au Fort-Liberté. L’autorité nationale y « est méconnue. L’imprudence et la férocité du général Moïse en sont la cause. Transportez-vous aussitôt ma lettre reçue, dans ce malheureux canton…

Pourquoi n’êtes-vous pas venu ici, ainsi que vous me l’aviez mandé ? Vos ennemis vous ont inspiré des méfiances dont vous auriez déjà reconnu l’injustice. Je vous salue cordialement. »

L’autorité nationale, impuissante à l’égard de Moïse, comme elle l’avait été à l’égard de Pierre Michel, recourait encore à l’homme qui faisait tout mouvoir pour arriver à ses fins. Mais cette fois, T. Louverture avait affaire à un général intrépide, capable d’énergie, et non à un avocat, capable de faire des discours, quoique courageux : il se garda de se rendre au Cap. fl n’y avait plus lieu de se rendre au Fort-Liberté.

Le 21, étant aux Gonaïves, le général en chef répondit à la lettre d’Hédouville :

« J’étais parti du Gros-Morne avec un aide de camp et un capitaine de dragons pour me rendre au Cap. Arrivé chez D’Héricourt, des avis fidèles m’apprirent que ma vie ne serait pas en sûreté au Cap. La prudence et le salut de la colonie me firent une loi de retourner sur mes pas. Je reçus dans ma route rétrograde votre lettre du 16 et son duplicata. Sans escorte, je me suis rendu ici pour prendre celle qui m’est nécessaire pour remplir vos intentions (ou plutôt les miennes). Je vais partir et ne