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Quand T. Louverture ne promit amnistie qu’à ceux des Français qui avaient servi dans la milice, est-ce qu’Hédouville ne l’engagea pas à l’étendre à tous ceux qui avaient servi dans les administrations anglaises ? Or, n’y avait-il pas des émigrés dans ces administrations comme dans la milice ? Lorsque les Anglais dégageaient ces traîtres de leur soumission, et que ceux-ci se replaçaient sous le pavillon tricolore, n’était-ce pas remplir le but de l’une et l’autre amnistie ?

Mais, Kerverseau lui-même, Leborgne et Rey, délégués aux Cayes, n’avaient-ils pas envoyé cet acte d’amnistie de Sonthonax aux habitans de Jérémie, pour les convier d’en jouir ? Pour qu’ils en fussent dignes, il fallait donc qu’ils trahissent les Anglais !

Quel avait été le but de la mission de l’agence de 1796, quel était encore celui de la mission d’Hédouville, sinon de replacer la classe blanche dans sa première condition ? N’était-ce pas pour arriver à ce résulat, que l’agence avait accusé toute la classe des hommes de couleur, mulâtres et noirs les plus éclairés, « de vouloir établir sur la des-


    çais habitans des places livrées aux Anglais à Saint-Domingue. Cette proclamation, vicieuse dans le principe, est bonne dans l’intention ; elle a déjà eu quelques succès dans les places où elle a pu pénétrer. Si, sur la foi d’un tel acte, les habitans de Jérémîe, par exemple, ou ceux du Port-au-Prince, ouvraient leurs portes aux républicains, quel est celui d’entre nous qui oserait proposer d’arracher du giron de la République le malheureux qui aurait eu confiance en la proclamation des agens du Directoire exécutif ? » (Rapport de Marecau conseil des Cinq-Cents, page 122.)

    Croit-on que T. Louverture ignorait ce rapport, et par conséquent la pensée du corps législatif et du Directoire exécutit ? La plupart des émigrés n’étaient ils pas colons habitans de Saint-Domingue ? Sonthonax avait-il fait arrêter Bayon de Libertas et Salnave, tous deux émigrés, dont il s’est plaint dans son discours du 4 février 1798 ? Nous examinerons plus tard si le comte d’Hédouville pouvait être réellement mécontent des faveurs accordées par T. Louverture aux émigrés, presque tous de l’ancienne noblesse française.