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avec les blancs, il crut qu’à Saint-Domingue même il pourrait offrir à sa classe le concours de ses lumières, avec plus d’efficacité pour le succès de sa cause. Adoptant, comme ces commissaires, comme la société des Amis des noirs, l’idée d’une liberté graduelle pour les esclaves, il les embrassa dans ses généreuses pensées. Arrivé dans la colonie en mars 1790, au plus fort des persécutions des colons contre les hommes de couleur, au moment où l’assemblée générale allait s’installer dans sa ville natale, à Saint-Marc, Pinchinat agit avec une prudence consommée, pour se donner le temps de s’aboucher avec les principaux d’entre eux, et arrêter ensemble les mesures propres à assurer le succès de leur cause. Ogé arrive de France, et l’on voit Pinchinat, réuni à ses frères du Mirebalais, correspondre avec lui : cette correspondance est cause de son arrestation, de son emprisonnement au Port-au-Prince, par ordre de Blanchelande qui découvre en lui un directeur intelligent. Ce fut comme le baptême de la gloire qu’il allait acquérir. Il ne sortit de cette prison, de même que Rigaud, que pour avoir le droit d’être la personnification politique de sa classe, tandis que son compagnon d’infortune devenait sa personnification militaire.

Depuis lors, nous l’avons vu au Mirebalais présider le conseil des hommes de couleur, les diriger avec énergie, habileté et modération dans leurs réclamations, faire tous leurs écrits dans ce but, avec une sagesse et une intelligence des choses qui lui ont mérité l’éloge flatteur de Garran de Coulon ; présider ensuite aux divers concordats passés avec les colons, les rédiger avec cette fermeté qui fit vouer à l’exécration contemporaine et future, comme infâmes, les arrêts prononcés contre Ogé, Chavanne et leurs compagnons ; faire consentir les colons à la déroga-