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timent pour son renvoi, » — furent ceux qui se manifestèrent en cette occasion. Il paraît qu’alors, espérant de rallier à son autorité la grande majorité des officiers et des fonctionnaires, Sonthonax les appela tous auprès de lui, les harangua en leur déclarant qu’on voulait livrer la colonie aux Anglais.

Sonthonax, on ne peut le nier, joignait le courage personnel à la haute idée de son pouvoir, de l’autorité qu’il exerçait au nom de son pays ; dans sa première mission, il en avait donné des preuves multipliées, et il était bien dans le droit de cette autorité, lorsqu’il essayait de s’appuyer du concours des officiers de l’armée et des fonctionnaires. Mais, au lieu de l’enthousiasme, il ne rencontra que de la froideur : Mentor fut le seul noir qui répondit à son appel ; les autres gardèrent un morne silence. Le colonel du génie Vincent, Européen, se manifesta pour son départ qu’il avait déjà annoncé. Il paraît néanmoins que Sonthonax ordonna des mesures militaires. Il y eut nécessairement de l’agitation dans cette ville : un tel conflit entre les deux autorités supérieures devait en occasionner.

C’est alors qu’agissant avec sa fermeté et sa résolution ordinaires, T. Louverture adressa à Sonthonax la lettre suivante, non pour user de plus de ménagement envers lui, comme on l’a dit, mais pour lui faire sentir qu’il voulait personnellement son départ, et fixer en même temps les officiers de l’armée et les fonctionnaires sur sa détermination irrévocable.

Citoyen commissaire,

Le vœu du peuple de Saint-Domingue s’était fixé sur vous pour le représenter au Corps législatif. Dans la lettre que nous vous avons écrite, nous avons voulu joindre notre assentiment particulière la volonté générale. Si les ennemis de la liberté s’obstinent encore à vous pou-