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roud, dans le Nord, avant l’arrivée de l’agence au Cap ; on a vu quelle fat la politique suivie par eux, par Laveaux surtout, pour amener la désunion entre les chefs militaires noirs et mulâtres, et par conséquent entre les deux classes d’anciens libres des deux couleurs et des nouveaux libres noirs. Cette conduite et cette affreuse politique avaient abouti à l’affaire du 30 ventôse où les blancs en général jouèrent aussi leur rôle accoutumé. L’issue de cette affaire porta Laveaux, plus qu’elle ne le contraignit, à admettre T. Louverture au partage de son autorité de gouverneur provisoire de la colonie : pour lui, se venger des perfides mulâtres fut son seul plaisir en cette occasion[1]. Mais, pour T. Louverture, ce ne fut qu’une affaire d’avancement dans la hiérarchie militaire, de haute position aux yeux de tous : l’ambition est tellement naturelle à l’homme, et surtout à celui qui suit le noble métier des armes, et qui se sent des facultés pour la justifier y qu’on ne saurait blâmer T. Louverture d’avoir profité des dispositions de Laveaux en sa faveur. On doit le blâmer d’avoir mis lui-même ensuite de la passion dans ses procédés, dans ses actes poussés jusqu’à la fureur.

Dans cet état de choses, arrive l’agence chargée d’instructions secrètes du gouvernement français, qui pense devoir établir dans la colonie une politique semblable à celle conçue par Laveaux, d’après la correspondance de ce dernier et d’après les autres motifs que nous avons énumérés, en parlant de ce système que l’agence fut autorisée à mettre en pratique. Sonthonax, son chef, l’avait conçu lui-même peu avant son départ en 1794, et vrai-

  1. « La reconnaissance ou la politique du gouverneur Laveaux venait de peurder l’armée de généraux noirs. » (Rapport de Kerverseau.)