Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle se borna à déclarer qu’elle ne correspondrait plus qu’avec l’administration, les municipalités et les tribunaux qui se trouvaient dans cette localité ; et tous ces corps s’étaient prononcés par des adresses, contre les délégués et Desfourneaux : leurs attestations furent flétries comme fausses et calomnieuses. Était-ce d’ailleurs à ces autorités civiles de prendre soin de la défense du territoire contre un ennemi entreprenant qui était en présence ?

Le fait est que l’agence, ou plutôt Sonthonax qui connaissait mieux Rigaud que ses collègues, qui comptait sur son dévouement à la France autant que sur sa valeur, Sonthonax était assuré que Rigaud continuerait à agir contre les Anglais. S’il eut l’air de vouloir faire le vide autour de lui, en autorisant tous les habitans du Sud à s’expatrier, il n’était pas moins certain qu’il n’en serait rien de leur part ; car il savait fort bien qu’on n’abandonne pas ainsi ses pénates sans motifs sérieux, pour aller errer à l’aventure, sans ressources, sur la terre étrangère. Cette disposition avait toute la valeur d’une phrase à grand effet : il fallait frapper les imaginations.

D’ailleurs, quoi qu’il ait dit de Rigaud, Sonthonax était convaincu qu’il ne voulait pas l’extermination des blancs : en arrivant au Cap, ne lui avait-il pas écrit ? Vous avez protégé l’Européen faible et opprimé. En engageant les blancs surtout à s’expatrier, c’était pour exciter la générosité de Rigaud envers eux ; c’était pour les recommander à lui-même, par ce point d’honneur qu’il lui connaissait.

Mais, en même temps, il voulait prouver au Directoire exécutif qu’il avait rempli sa mission par cette invitation faite aux blancs du Sud, après l’avoir remplie sous un autre rapport, en détruisant le prestige des hommes de