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C’était trop directement désigner l’agence et tous ceux qui coopéraient avec elle ; c’était rompre en visière. Aussi bien, ce résultat serait toujours arrivé, mais Rigaud eut tort de parler ainsi. Cette proclamation exprimait au peuple du Sud, le désir qu’avait Rigaud, occupé des opérations militaires, que le peuple choisît des personnes capables de diriger les affaires civiles et administratives, jusqu’à ce que le Directoire exécutif en eût autrement ordonné. C’était encore avouer son intention de rompre entièrement avec l’agence, puisqu’elle était le représentant du Directoire exécutif ; et ce fut un tort de sa part.

D’un autre côté, Rigaud voulait évidemment que le peuple lui témoignât la nécessité de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, et c’est ce qui eut lieu. Cette ruse est ordinairement commune à tous les chefs qui se trouvent en pareilles circonstances ; on peut même l’appeler innocente, puisqu’il s’agit du salut public. T. Louverture ne tarda pas à l’employer aussi ; mais, à la place de Rigaud, il s’en fût tiré plus adroitement, vis-à-vis de l’agence. Aussi, quelle que fût l’assurance que ce dernier donna de son dévouement à la France, le système d’exclusion contre les hommes de couleur étant déjà arrêté, le Directoire exécutif s’autorisa de cet acte, pour rompre à son tour avec Rigaud[1].

Deux jours avant la proclamation de Rigaud, les citoyens de la commune des Cayes avaient signé une a-

  1. Nous remarquons dans le rapport de Marec, qu’on fit réimprimer la proclamation de Rigaud, à Paris, pour la distribuer à tous tes membres du corps législatif, afin de prouver qu’il était en état de rébellion, et de disposer ce corps à tout approuver de la part de l’agence. — « Proclamation, dit Marec, qui ne sera sans doute pas oubliée dans le jugement futur de cette horrible affaire. »