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Celle-ci ayant donné les ordres les plus arbitraires, ses envoyés voulant les exécuter, Lefranc et Pinchinat devaient courber la tête. Comment ! c’est au moment même où l’on publiait la constitution, que cette délégation faisait arrêter Gavanon et Tuffet Laravine et les embarquait pour être déportés au Cap ! Si le premier tenait des conciliabules chez lui, si le second avait tenu des propos incendiaires, n’y avait-il pas un juge civil aux Cayes pour les juger ? Et que reprochait-on à Lefranc pour l’arrêter et l’envoyer aussi au Cap ? La position qu’il occupait et que Desfourneaux avait signalée dans sa lettre à Laveaux ? Mais alors, il fallait arrêter aussi tous les autres officiers du Sud, et c’était réellement là le but qu’on se proposait. Et tous ces hommes devraient se soumettre à cette injustice ?

Nous regrettons, nous condamnons tous les assassinats que Lefranc et Augustin Rigaud ont fait commettre sur des blancs, sur la personne d’Edouard, d’A. Pretty et de Lilladam. Ce furent des atrocités ; il n’y avait pas là le cas de la légitime défense. Cette défense ne devait consister qu’à résister à l’oppression, à s’armer, à armer la population, à arrêter les agens que la délégation envoya en plaine pour exciter les cultivateurs contre leurs frères, et à les embarquer, eux, les délégués et Desfourneaux, à les renvoyer au Cap, dans cet antre où se distillaient toutes les calomnies lancées contre la classe des hommes de couleur.

Voilà quel était le seul droit de Lefranc et d’Augustin Rigaud, et en appeler ensuite à la justice du gouvernement de la métropole contre ses agens. Nous savons fort bien que cette justice ne leur aurait point été rendue ; car pour nous, il est évident, partout ce que nous avons dit précédemment, que le Directoire exécutif avait combiné son plan. Mais du moins l’histoire n’aurait point eu la mission