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politique que Laveaux : son appréciation est judicieuse. Au reste, ce résultat devait infailliblement arriver à Saint-Domingue : Sonthonax est venu l’accroître peu après. Ils n’en sont pas l’un et l’autre plus coupables, peut-être, pour l’avoir produit : il était dans la nécessité de la situation. La maxime politique du divide et impera finit toujours par amener un tel résultat, contre tout gouvernement qui la pratique[1].

Et qu’importe à la postérité de savoir que ce fut T. Louverture qui jouit de cet honneur au lieu de Villatte ? Ils étaient tous deux de la race noire, et le premier était certainement bien supérieur au second, par son aptitude à diriger les affaires ; il avait donc plus de droit à ce poste, malgré les services antérieurs de Villatte. La postérité n’a qu’une chose à attendre de lui ; c’est qu’il use de son pouvoir dans l’intérêt général de sa race. Si l’histoire prouve qu’il a manqué à sa mission, alors la postérité usera de son droit, pour demander compte à sa mémoire de tout le bien qu’il n’aura pas fait, de tout le mal qu’il aura occasionné. Voilà la justice, voilà le sentiment avec lequel nous devons juger aujourd’hui du résultat de l’affaire du 30 ventôse.


Nous venons de comparer T. Louverture avec Villatte : c’est le moment d’exprimer notre opinion sur la conduite qu’a tenue ce dernier en cette circonstance.

À notre avis, que nous fassions abstraction ou non de toutes les particularités que nous avons signalées à la charge de Laveaux, indiquant de sa part une intention

  1. Le machiavélisme n’est pas seulement presque toujours une preuve de sentimens pervers dans un gouvernement ; c’est encore une sottise de sa part.