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mais Pinchinat n’y était pas alors. En ce moment marqué par Dieu, Pinchinat était à Sainte-Pélagie, à Paris, subissant des persécutions inouïes. Laveaux y avait plus contribué que lui.

Par ces imputations accumulées contre le malheureux Pinchinat, ne voit-on pas l’effet produit sur l’esprit du gouverneur et de l’ordonnateur, par la lettre de Desfourneaux écrite du Môle ? Ne sent-on pas dans les paroles de Perroud, l’ancien persécuteur des hommes de couleur au Port-de-Paix, en 1791, quand Pinchinat dirigeait les efforts de sa classe pour la conquête de leur égalité civile et politique avec les blancs ? Ah ! sans doute, ce mulâtre fut bien coupable, de penser alors que c’était une chose juste : en janvier 1796, il l’était encore parce qu’il plaisait aux deux chefs de Saint-Domingue, de lui supposer l’intention de rendre cette colonie indépendante de la France.

Encore un mot de Laveaux contre Rodrigue :

« Ces mauvais sujets blancs tiennent les propos les plus indécens, entre autres Rodrigue, qui s’est permis de dire : Mon seul regret est d’être né blanc… La colonie ne sera en paix, que lorsqu’elle sera gouvernée par un mulâtre. Voilà les absurdités que l’on propage[1]. De là vient la haine pour les blancs de la part des mulâtres ; car le noir aime le blanc et beaucoup, et le chérit, a grande confiance en lui ; et sans le blanc, le mulâtre serait sacrifié par le noir. Il faut le blanc pour maintenir la balance entre les deux. » C’est-à-dire, pour gouverner, dominer les deux.

  1. S’il suffisait de trente années de paix pour justifier cette prédiction, ceux : qui l’ont faite en 1796 pourraient fort bien avoir eu raison de parler ainsi.