Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce commandement à Montbrun et le font reconnaître de nouveau en sa qualité de gouverneur général de la province de l’Ouest. Et puis, Polvérel le dénonce secrètement, confidentiellement à Rigaud ! Il veut que ce soit ce mulâtre qui reste chargé de tout l’odieux qui résultera de l’arrestation de Montbrun, mulâtre comme lui !…

Rigaud a-t-il su échapper à ce piège où le machiavélisme de l’Européen se montre à nu ? N’a-t-il pas eu le tort d’y joindre des procédés blâmables, en gardant Montbrun plus de dix-huit mois sous les verrous, sans jugement, sans le déporter en France ? Sa conduite à ce sujet sera examinée plus tard.

Au lieu de réinstaller Montbrun dans ses fonctions de gouverneur général de l’Ouest, les deux commissaires ne pouvaient-ils pas y laisser Martial Besse, ou Antoine Chanlatte, ou Bauvais qui restèrent à Jacmel ?

Si Polvérel a pu agir ainsi, écrire une telle lettre à Rigaud, on peut conjecturer ce qu’a dû écrire Sonthonax à Laveaux, lui qui avoua aux Débats avoir écrit une lettre pareille, lui qui avait eu maille à partir avec Montbrun, lui qui soupçonna Pinchinat d’être un des chefs secrets de la coalition de Saint-Marc et d’avoir trempé dans le complot de son prétendu assassinat[1], lui, enfin, qui ne voyait dans tous les hommes de couleur que des traîtres, ou des hommes prêts à le devenir. En joignant à cette lettre de Sonthonax, celle qu’écrivit Desfourneaux à Laveaux, étant au Môle, on peut expliquer l’opinion de Laveaux sur la perfidie des mulâtres et toute la conduite ultérieure de ce gouverneur général de Saint-Domingue, que nous examinerons un jour. Laveaux, non plus que Ri-

  1. Rapport de Garran, t. 4. p. 229.