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à Martial Besse, d’après les blessures honorables dont s’est couvert Montbrun à la défense de Bizoton : ce sont les termes dont se servirent les commissaires[1].

De leur propre aveu, il avait donc défendu ce fort, il y a été blessé. Est-ce qu’un traître qui livre son poste à l’ennemi se laisse blesser ? Ne se fait-il pas prendre, sain et sauf, par cet ennemi ? Neuilly, Lafeuillée et tous les autres officiers, blancs européens, qui trahirent la cause de leur patrie, ont-ils été blessés, sont-ils revenus auprès des mêmes commissaires civils après avoir livré leurs postes ?

Montbrun est revenu blessé ; il a suivi les commissaisaires à Jacmel, tandis qu’il aurait pu rester au Port-au-Prince, comme tant d’autres qui acceptèrent le joug des Anglais. Polvérel et Sonthonax ont eu le pouvoir et la force nécessaire pour le faire arrêter, le livrer à un conseil de guerre sur les lieux mêmes, ou tout au moins pour l’embarquer prisonnier sur la corvette l’Espérance et l’amener en France. Loin d’agir ainsi, selon leur devoir le plus strict, ils emmènent avec eux Martial Besse qui l’avait remplacé dans son commandement, ils remettent

  1. Nous avons sôus les yeux une relation que Sonthonax lut dans les Débats (t. 8, p. 334) et qui fut faite le 13 juin à Jacmel par Gignoux, ex-médecin au Cap, désigné par les colons accusateurs sous le sobriquet d’arracheur de dents : il commandait quelques dragons au fort Bizoton. Gignoux prétend que Montbrun et Marc Borno prirent la fuite sans combattre. Cette relation fut évidemment faite dans le système d’accusation des deux commissaire contre Montbrun. Nous y renvoyons le lecteur pour s’assurer comment Gignoux justifia le sobriquet des colons. Une autre relation fut faite à Laveaux, le 30 juillet, par un autre blanc nommé Grandet, qu’il avait envoyé en mission auprès de Sonthonax, et qui fut témoin de la prise du Port-au-Prince. Dans un passage de sa narration, Grandet dit que Montbrun ne fut pas réellement blessé ; et dans un autre, il dit que Martial Besse prit le commandement de la ville, pendant les blessures de Montbrun. L’historien a presque honte de mettre en scène, des hommes aussi inconséquens, aussi passionnés, aussi injustes.