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heureuse des parties de la colonie soumises déjà à leur domination. « Le délégué (Sonthonax), disait Larue, pourra vous devoir lui-même son salut. En traitant, vous fixerez son sort. Il désire se retirer, il me l’a dit ; la France l’a proscrit[1]. Vous ne vous affranchirez pas vous-même d’un pareil coup, votre fortune serait un titre de proscription… Parlez avec confiance ; on s’est déjà adressé à un autre ; mais j’ai détourné de la voie en garantissant votre discrétion, votre habileté à ménager, et vos talens à exécuter… Si j’ai bien interprété vos promesses, je vais au-devant de vous ; effectuez-les… Rendez assez de justice à MM. de Jumécourt et Labuissonnière, pour être bien convaincu qu’ils ont sacrifié leurs ressentimens personnels. »

Cette lettre fut écrite le 28 mars ; on y joignit un sauf-conduit de Whitelocke et la copie d’une prétendue lettre qu’il aurait écrite à Williamson, pour lui dire que jamais Saint-Domingue ne pourrait prospérer, si les hommes de couleur de cette colonie n’obtenaient pas leur égalité politique, dont ils étaient dignes.

C’était un piège aussi grossier que la calomnie de Martial Besse ; mais il produisit son effet, venant après les soupçons antérieurs de Sonthonax et le triomphe de Montbrun contre son favori Desfourneaux. Montbrun était riche, et cette circonstance fut considérée par Larue, comme étant un motif de plus pour faire ajouter foi à l’idée qu’il aurait eue de livrer le Port-au-Prince aux Anglais, afin de conserver ses richesses. Cependant, il était propriétaire de plus de cinq cents esclaves, et il avait été le premier à signer l’acte de leur liberté, le 21 septem-

  1. Larue était au Port-au-Prince, avant d’avoir passé auprès des Anglais.