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qui se rendent célèbres par leurs actions et leurs talens, nous ne trouvons aucune nécessité à l’admettre en faveur de Toussaint Louverture, pour expliquer la cause de sa supériorité sur ses contemporains. Il nous suffit de’savoir qu’il savait lire et écrire, pour juger que, possédant ces premiers élémens des connaissances humaines, ils ont dû faciliter le développement de ses idées par la lecture des ouvrages qui tombèrent sous sa main. On s’accorde généralement à dire que l’Histoire philosophique et politique de l’abbé Raynal, sur les établissemens des Européens dans les deux Indes, était sa lecture favorite avant la révolution. Ce seul ouvrage suffisait pour mûrir les idées d’un homme qui savait méditer ; et l’on sait d’ailleurs quelle influence exercent les révolutions et la pratique des affaires publiques sur l’esprit des hommes. Toussaint Louverture ne fut pas le seul qui se fît remarquer par son aptitude à les saisir ; d’autres hommes de sa race, dans notre pays, développèrent aussi leurs talens naturels, quoique peut-être à un moindre degré que lui, et quoique moins favorisés par les circonstances. Ce que nous disons ici n’est nullement dans l’intention d’atténuer son mérite, notre but n’étant que de prouver qu’il n’a pas fait, seul, exception aux hommes de la race africaine.

Comme homme privé, avant la révolution, Toussaint Louverture avait de bonnes mœurs : il était marié, et était aussi bon époux que bon père et bon parent. Cela ne détruit pas l’assertion de Pamphile de Lacroix sur la découverte faite Port-au-Prince, en 1802, par le général Boudet[1]. Toujours est-il qu’il observa constamment les

  1. Tome 2, page 105 et 106.