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Cela posé, voyons le troisième document du 4 avril, que nous avons annoncé : il est daté du Fort-Dauphin, au pouvoir des Espagnols depuis le 28 janvier.


Le Député des Émigrés français (les colons) résidans à Saint-Michel, tous habitans et propriétaires des paroisses des Gonaïves, d’Ennery, Plaisance, la Marmelade et le Dondon,
À S. E. Monsieur le Gouverneur et Capitaine général, représentant immédiat du Roi en cette colonie.


Sitôt notre arrivée dans notre infortuné pays, Excellence, le général Biassou conçut le noble projet de prévenir vos vues bienfaisantes.

Personne n’ignore que les nègres révoltés qui assassinent, pillent et incendient nos possessions, au nom de l’exécrable République, occupent la presque totalité des montagnes que ceignent les plaines du Limbé, du Port-Margot, de l’Acul, du Morne-Rouge, du Quartier-Morin, de Limonade et Jacquezy, jusqu’aux confins du Fort-Dauphin, tandis que ces plaines fourmillent de ces vils ennemis dont la principale horde se tient dans la ville du Cap.

Le général Biassou, voulant les chasser tous dans un même lieu, afin de les forcer à mettre bas les armes ou les exterminer d’un seul coup, avait proposé de se rendre maître d’abord de toutes les hauteurs du Borgne, Plaisance, Marmelade, Dondon et Grand-Boucan. Parvenu à son but, son projet était de proposer les mêmes mesures pour toutes les parties de l’Est occupées par les troupes de son ami Jean François.

Déjà, le fidèle Biassou était campé sur l’habitation Larvière, chef lieu d’Ennery ; il avait fait replier dans ce camp plusieurs petits postes inutiles que Toussaint Louverture avait établis, soi-disant pour protéger les voyageurs, tandis que ses agens qui les occupaient commettaient chaque jour des vols, des assassinats : de là les plaintes, les murmures de tous les habitans planteurs. Toussaint profite de ces clameurs pour les dénoncer comme suspects, enlève et arme tous les esclaves de leurs habitations. Il annonce à ces misérables qu’ils sont libres, s’ils osent assassiner les blancs ; il donne des ordres à des chefs pour le rétablissement des postes supprimés, qui facilitent l’exécution de ses vues perfides. Il prêche la désobéissance ; il adresse un manifeste à son général ; il finit par tenter un assassinat contre sa personne. Celui-ci échappe à la mort par une faveur inattendue du ciel, et son assassin ose encore le dénoncer comme traître, lorsque lui-même se