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Les choses étaient en cet état, quand, le 20 mars 1794, Toussaint Louverture adressa une première lettre, un exposé de toute sa conduite antérieure, à Don J. Garcia. Voyons le préambule de ce document précieux, et citons les passages les plus propres à jeter du jour sur les faits dont nous nous occupons.


Relation que fait le général Toussaint Louverture, des particularités remarquables arrivées depuis l’époque que S. M. C. a eu la bonté de prendre sous sa protection les nègres qui avaient pris les armes pour soutenir la cause de Dieu et des Rois, lesquels faits il ne touchera que les principaux points qui ont eu lieu, afin de démontrer aux yeux de tous ses supérieurs sa conduite, et se justifier de toutes les calomnies répandues contre lui par le général Biassou, ainsi que des accusations et dénonciations qu’il a faites à leur supérieur, Monsieur le commandant général du cordon du Sud et de l’Ouest.


Lorsque les généraux Jean François et Biassou ont été pris sous la protection du Roi d’Espagne, ils m’ont fait prévenir au Port-Français, morne près du Cap, où je résidais, du bonheur que l’Espagne nous offrait. Je me suis donc rendu de suite, avec toutes mes troupes, auprès de M. D. Cabrera, lequel m’assura de la même protection qu’auxdits généraux. Par cet article, je ne veux que démontrer que je ne dépendais aucunement d’eux, principalement de Biassou, puisque ma résidence au Port-Français était concertée entre le général Jean François et moi.

Le général Biassou s’est retire au bourg de Saint-Michel, où il a toujours résidé depuis cette époque, et j’ai pris le commandement général des troupes et passerai sous silence toutes mes expéditions, puisqu’elles sont connues de mes supérieurs… J’instruisais et rendais compte au général Biassou de toutes mes démarches, non pas comme son subalterne, mais pour l’amour du bien, connaissant son caractère impétueux, brouillon et étourdi, capable de faire plus de mal que de bien, comme il a démontré dans toutes les occasions, n’ayant jamais eu pour sentiment que les impressions que lui donnaient ceux qui lui parlaient les derniers.

Le général Biassou a toujours eu, dans tous les quartiers, des agens qui faisaient mettre des embuscades pour enlever les femmes et enfans des malheureux qui étaient, le fusil à la main, à repousser l’ennemi pendant qu’on brûlait leurs cases, pillait et volait tout ce qu’ils pou-