Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crainte qu’inspire aux blancs du Port-au-Prince, l’armement des nouveaux libres, qui sont nombreux, après leur propre désarmement ; c’est que Sonthonax lui-même n’est pas trop rassuré sur les dispositions de ces nouveaux soldats. Il redoute l’incendie et le pillage, il tâche de garantir la propriété par renonciation de principes conservateurs de la société civile ; il redoute les vengeances contre les anciens maîtres, et il s’efforce d’inculquer des principes, des sentimens d’humanité à cette force armée. Il fait plus, craignant la désertion, la fuite des habitans pour passer à l’ennemi, et toutes les conséquences qu’elle peut amener, il ordonne des dispositions qui constituent la loi martiale. On est entouré d’ennemis, la place est pour ainsi dire assiégée, il n’y a là rien que de fort naturel et qui ne soit nécessité par la situation. Mais, en présence de tant de dangers, les préventions antérieures contre le commissaire reçoivent une nouvelle impulsion. Quand on est dans une telle situation, il suffit du moindre incident pour amener une rixe, un choc, un combat entre tant d’hommes prévenus les uns contre les autres.


On a vu les diverses causes de défiance de Sonthonax contre Montbrun ; d’abord, au Cap, lors de l’embarquement de d’Esparbès dont il était l’aide de camp ; ensuite ; lors des arrestations des blancs au Port-au-Prince, en novembre 1793, par Montbrun. Celui-ci, comme ancien libre privé de l’égalité civile et politique, n’aimait pas les colons ; il se rappela, peut-être trop, que ceux du Port-au-Prince avaient été excessivement furieux contre les hommes de couleur, et Sonthonax, suivant le témoignage de Garran cité plus avant, tendait alors à se rapprocher plus des colons que des hommes de couleur. En outre,