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son autorité !… Reprochons à Sonthonax ses défiances injustes contre la généralité de cette classe ; mais sachons nous défendre, nous qui essayons d’éclairer le passé de notre pays, de ces imputations non moins injustes qui tendent à dégrader le caractère d’un homme, qui fut sans doute trop emporté dans l’exercice du pouvoir, mais qui eut des droits à l’estime de nos devanciers, par sa fermeté à faire exécuter pleinement la loi du 4 avril, par sa résolution à proclamer la liberté générale.

Ensuite, quant à ce qui concerne Bauvais en particulier, ce serait cet homme de bien que Sonthonax aurait choisi pour sa victime ! Bauvais qui, par son caractère honorable, sa modération, sa soumission constante à toutes les autorités envoyées par la métropole, obtint, seul entre tous, l’estime de tous les partis ! Bauvais que Page lui-même, ce colon profondément scélérat, a loué en France pour sa conduite toujours exempte d’excès !… Non, Sonthonax n’a pas conçu un projet aussi atroce à son égard, il n’a pas pu le concevoir.

Cependant, tel est l’effet des préventions qui surgissent dans les troubles civils contre les hommes qui exercent l’autorité, que l’on crut généralement au Port-au-Prince, qu’Halaou avait reçu mission de Sonthonax de tuer Bauvais. Bauvais était cher à ses frères ; c’était leur premier général, une de leurs espérances dans les conjonctures où se trouvait la colonie : de là l’exaspération universelle et l’idée de le garantir de la mort à quelque prix que ce fût. De nombreux citoyens de couleur partent immédiatement pour la Croix-des-Bouquets ; ils communiquent leurs craintes aux soldats de la légion de l’Ouest dont Bauvais est le lieutenant-colonel en ce moment.