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sable, c’est sans contredit alors qu’on est réduit au point où nous sommes. D’après cela, Messieurs, prononcez, et que la bannière de la nation que vous aurez choisie, arborée sur vos forts, soit le signal d’une protection sans laquelle nous ne pouvons espérer de survivre longtemps aux trames ourdies contre nous.


Après ce discours de Lapointe, qui ne manque pas d’adresse, le procès-verbal de la prise de possession constate que les cris suivans se firent entendre : Vive Sa Majesté Britannique ! Vive sa protection ! Vive Louis XVII ! Vivent tous les rois de la terre ! Vraie comédie à laquelle Thomas Brisbane ajouta, en disant :

« Messieurs, que l’engagement que vous venez de contracter ne soit pas vain et illusoire : il est inutile de vous en exposer l’importance, vous avez dû la pressentir. Jurez-vous de le maintenir de toutes vos forces ? Jurez-vous de soutenir ses lois envers et contre tous ceux qui pourraient s’y opposer ? »

L’Anglais, toujours positif, voulait, dans son laconisme militaire, un engagement formel de soumission envers son pays, qui ne sait pas plaisanter lorsqu’il traite de pareilles affaires ; et les mêmes cris se firent entendre de nouveau. Le pavillon britannique fut de suite arboré à l’Arcahaie.


De tous les hommes de couleur qui trahirent la cause de la France et celle de la liberté générale, Jean-Baptiste Lapointe était sans contredit le plus instruit, le plus capable, le plus habile. Né à Saint-Domingue, élevé en France, il était revenu dans la colonie peu avant la révolution. Son instruction lui faisait souffrir difficilement les préjugés coloniaux contre sa classe. Vexé par un blanc, il le tua, se réfugia dans la partie espagnole et fut