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proscriptions, qui versaient le sang des patriotes les plus purs, des vieillards, des femmes, des enfans ; qui eussent fait verser le sang de Polvérel et de Sonthonax, comme complices de Brissot et des Girondins, sans l’heureuse révolution qui affranchit la France elle-même de l’oppression sous laquelle elle gémissait.

Ah ! Polvérel avait raison de dire qu’il était temps de vider la grande querelle entre les droits de l’homme et les oppresseurs de l’humanité, qu’elle finirait à Saint-Domingue, par la mort ou par la fuite des traîtres et des tyrans, par la liberté et l’égalité de tous les hommes. Cette querelle, depuis deux siècles, elle existait entre la race européenne et la race africaine, habitant Saint-Domingue, l’une comme oppresseur, l’autre comme opprimée.

Entre les deux races, nous le demandons à tout cœur généreux, à tout esprit dégagé de préventions, quelle devait être la place à choisir, la préférence à donner par l’homme de couleur, par le mulâtre issu de l’une et de l’autre ?

Poser la question, c’est la résoudre : c’est la résoudre en faveur des opprimés.

Le mulâtre n’était-il pas opprimé lui-même ? Le résultat de la lutte qui s’ouvrait à la fin de 1793, par l’occupation anglaise d’une part, par l’occupation espagnole de l’autre, ne devait-il pas aboutir à la continuation de l’oppression des hommes de couleur ? Qu’on relise l’insolente proclamation de Whitelocke. Dès lors le choix du parti à prendre par ces hommes pouvait-il être douteux. ? Il ne le fut pas plus en 1802 !

D’ailleurs, n’y a-t-il pas, n’y aura-t-il pas éternellement, dans la querelle entre la race blanche et la race noire, d’autres raisons tirées des lois de la nature, du