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ils ne sont connus que par leurs crimes ; et ceux mêmes qui les ont délégués, étonnés de votre patience, tremblent devant les forces combinées qui les pressent de toutes parts, et les livrent à votre vengeance.

Hommes de couleur, avez-vous pu vous laisser aveugler par les déclamations de ces traîtres ? En vous vantant la liberté et l’égalité, ne vous ont-ils pas avilis vous-mêmes, puisqu’ils vous les font partager avec vos esclaves en vous dépouillant de votre propriété ?

Choisissez entre la jouissance des droits que notre constitution accorde aux hommes de votre couleur dans nos colonies, et la punition de tous vos crimes.

Rendez-vous enfin à la voix de la nature et de la raison, profitez du moment de l’indulgence ; il passera promptement, et quand le jour de la vengeance sera arrivé, le repentir ne vous servira de rien : je vous donne quinze jours pour vous décider…


Cette insolente proclamation dévoilait avec un cynisme révoltant, les principes qui animaient les agens de la puissance qui venait s’emparer de Saint-Domingue. Suivant Whitelocke, une colonie ne devant pas être le théâtre des vertus républicaines, ni du développement des connaissances humaines, devant seulement produire beaucoup de denrées, en exporter le plus avec le moins de frais possible, et les anciennes lois relatives à la propriété y étant maintenues, ainsi que toutes autres, il était clair que l’esclavage des noirs et l’avilissement des hommes de couleur en étaient naturellement la conséquence. Les menaces adressées à cette dernière classe expliquent pourquoi cet Anglais est resté spectateur impassible, sans entrailles, de l’assassinat de cent soixante d’entre eux à Jérémie, tandis qu’il sauva la vie à quelques blancs, suivant le témoignage de Dacunha. Ce dernier a semblé offrir une excuse pour Whitelocke, en disant qu’il n’entendait pas le français et qu’il était obligé, malgré ses sentimens d’humanité, de se laisser mener par le conseil tyrannique de Jérémie. Il ne faut pas savoir une langue, il suffit d’avoir