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tution, qui est l’étoile polaire de leurs actions. La question est arrivée à son point culminant.

» Examinons l’immixtion inconstitutionnelle du Sénat dans cette affaire… Il est vrai que depuis l’ouverture de cette législature, il s’est appliqué, avec une préoccupation persécutrice, à provoquer, à outrager et à censurer injurieusement la Chambre, comme si les représentans du souverain pouvaient dépendre et être placés sous l’obéissance d’un Sénat, ouvrage de leur vote ! Eh ! comment ne s’arrogerait-il pas cette puissance incommensurable et despotique, ce Sénat qui, en 1825, sans discussion des intérêts nationaux, accepta l’ordonnance du 17 avril dont les dispositions causèrent une telle crise dans le commerce, que les contre-coups ont jeté le pays dans cet état de pauvreté dont il ne se relèvera jamais, tant que le Sénat n’abjurera pas son système stationnaire ? Ce Sénat qui, en 1834, au mépris de l’art. 161 de la constitution dont les principes ne confient au pouvoir exécutif que la simple surveillance de la perception des contributions publiques, et à la faveur de son funeste veto ou plutôt de l’abus qu’il en fait, priva la Chambre de l’initiative du mode de perception des impôts, et la conféra au pouvoir exécutif sous le titre de régie[1]. Ce Sénat qui, en 1837, a rejeté les lois de patentes et d’impôt foncier votées par la Chambre pour l’année 1838, sous le prétexte inconstitutionnel qu’elles avaient empiété sur les attributions du pouvoir exécutif qui, en matière d’impôt, n’a que des ordres à donner pour en faire opérer le versement. Ce même Sénat, bien qu’il ne puisse exercer son veto absolu qu’une fois, mais s’embarrassant si peu de la constitution et de cette misère générale qui accable

  1. J’ai déjà dit que cette distinction entre les lois d’impôt et leur régie, fut provoquée en 1833 par le sénateur J, Georges, ami des chefs de l’Opposition.