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nition, essayaient encore de troubler la tranquillité publique par leurs infâmes calomnies contre le Président et par les excitations au crime adressées à la Chambre. Tout autre chef que Boyer s’en fût indigné, et avec raison. Mais lui, dont le caractère vif et le tempérament ardent te portaient trop souvent à un emportement toujours regrettable dans sa haute position, il ne put se contenir. Se rappelant que la même moenœuvre avait été insidieusement employée, l’année précédente, auprès du général Guerrier, il tira de son bureau le billet anonyme qui lui avait été adressé, pour le comparer aux lettres mentionnées ci-dessus. Il résulta de cet examen et, dit-on alors, d’un rapport qui lui fut-fait par le général Inginac, que Boyer soupçonna le sénateur Pierre André d’être l’auteur du billet adressé au général Guerrier, s’il n’était pas aussi celui des lettres anonymes.

À l’audience du dimanche 3 juin, en présence du grand nombre de sénateurs, de représentans et de fonctionnaires publics qui se trouvaient au palais, il communiqua ces anonymes à tous en leur tenant un langage qui prouvait sa profonde irritation, et il leur dit que l’auteur de ces machinations perverses était parmi eux. Il eût suffi d’un geste, d’un de ses regards perçans pour faire comprendre à cette assemblée, sur qui planaient ses soupçons, si, certaines personnes n’y avaient été peut-être initiées d’avance : aussitôt le vide se fit autour du sénateur Pierre André qui, naturellement, parut troublé. Pour la plupart des, auditeurs de cette dénonciation lancée avec tant de feu et si publiquement par le chef de l’État, le malheureux Pierre André était atteint dans sa considération, convaincu du crime reproché ; par tout examen préalable devenait inutile, du moment que le chef avait paru lui-même convaincu. La séance fut levée dans ce sentiment général.