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Personne n’avait plus que lui le sentiment de la justice envers tous ses concitoyens ; la plupart de ses actes le prouvent, et cependant, dans l’application particulière qu’il en faisait, il lui est arrivé souvent d’être injuste par ce sentiment même. Mais, s’il était prompt à l’être par la vivacité de son caractère, signe ordinaire d’un bon cœur, il était aussi prompt à revenir sur une décision injuste, tant sa haute raison savait l’emporter à la fin sur sa passion du moment. Il avait l’amour de l’ordre à un degré supérieur, et l’organisation successive de toutes les parties du service public le justifie. Aucun chef du gouvernement de notre pays n’a obtenu autant de régularité que lui, de la part des fonctionnaires de l’administration civile et militaire ; et il a dû ce succès par les exigences de son caractère qu’ils connaissaient.

Malheureusement, le système d’économie dont il avait fait en quelque sorte le programme de son administration, poussé trop loin, l’a empêché de comprendre, peut-être, qu’il était nécessaire cependant de rajeunir progressivement le corps des fonctionnaires publics, par l’adjonction successive des jeunes hommes éclairés que produisait la nouvelle génération née depuis l’indépendance nationale, afin qu’ils fussent aptes à remplacer dignement la vieille génération qui avait fondé la patrie et qui était au pouvoir. En les tenant écartés, en ne leur offrant pas une carrière assurée dans un pays où il est si difficile de s’en procurer une convenable, il les livra, pour ainsi dire, à toutes les obsessions de l’Opposition formée contre son gouvernement dès son origine ; à eux se joignirent leurs familles embarrassées de leur trouver un emploi en rapport avec leurs lumières acquises.

L’agriculture, par des motifs énumérés souvent, n’étant