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de cavaliers de la garde sous les ordres du général Méreaux. Il passa dans plusieurs rues comme s’il faisait une tournée en ville, afin de donner le temps à M. Coquière et sa famille de se rendre aux embarcations : je me joignis à M. Ussher pour les y accompagner. Nous étions sur le rivage, quand Boyer arriva sur les lieux et mit pied à terre. En ce moment, il fit ses adieux à son escorte et félicita le général Méreaux de sa conduite ; mais il s’exprima avec la colère de l’indignation contre ceux qui l’obligeaient à quitter Haïti. « Avant trois mois, dit-il, ils se repentiront de leur mauvaise foi et de ce qui cause aujourd’hui leur joie[1]. »

Un certain nombre de personnes s’étaient rendues sûr le rivage ; je distinguai plusieurs jeunes gens qui se trouvaient sur le passage du Président, parmi les pièces d’acajou déposées là ; ils se découvrirent, probablement par ce respect qu’impose toujours l’autorité ; je leur dis de se ranger pour le laisser passer ; ce qu’ils firent. Aucune parole ne fut prononcée par ces curieux. La famille de Boyer entra dans la chaloupe qui portait ses effets, et lui dans le canot dû commandant Scharpe qui l’aida de la main à y monter. M. Ussher et moi y entrâmes aussi. Boyer continuait à parler avec colère ; nous l’engageâmes à se calmer, à se mettre au-dessus de son infortune politique, commune à tant d’autres chefs d’État. Il nous dit : « Vous avez raison, car mes ennemis seront plus malheureux que moi. » Et il devint aussi calme, aussi gai dans sa conversation, que s’il allait d’un port d’Haïti à l’autre.

À 8 heures, il monta à bord de la corvette. La troupe y

  1. On sait, en effet, que dans le mois de mai 1843, un mouvement insurrectionnel eut lieu dans l’arrondissement de Jérémie ; les chefs furent fusillés. Aux mois d’août et de septembre, d’autres événemens se passèrent aux Cayes et au Port-au-Prince ; ils commencèrent une réaction dans les idées.