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en disant que les organes du peuple désiraient éviter l’effusion du sang de leurs frères, pour n’opérer qu’une révolution morale par la force de la raison. Par une seconde lettre du même jour, il annonça à Malette l’envoi de biscuits et autres provisions pour lui et ses officiers supérieurs, notamment le chef de bataillon A. Leriché, du 16e régiment, « espérant, disait-il, que ce petit cadeau d’un soldat leur serait agréable. » Geffrard savait qu’à Lesieur on avait des privations, puisque les cultivateurs étaient invités à ne pas vendre des provisions alimentaires aux troupes du gouvernement ; et par ce cadeau, il prouvait à tous, que « l’abondance » régnait de son côté. Mais le général Malette était déjà parti pour le Port-au-Prince. Si Lamarre envoya ces lettres à Borgella, comme firent les autres officiers qui en reçurent, elles n’avaient pas moins produit l’effet que leur auteur s’était proposé.

Le 18 février, Geffrard demanda aussi une conférence au colonel Désiré ; et celui-ci ne lui faisant pas une réponse favorable, il eut assez confiance en son étoile pour arriver à lui, avec une vingtaine de jeunes hommes qui l’escortaient, en traversant les avant-postes à la rivière Glace. Cet acte de témérité, la présence de ce jeune colonel, ses paroles affectueuses, l’assurance qu’il donna que cette colonne était cernée, imposèrent au vieux Désiré et le fascinèrent ; il refusa de se joindre aux insurgés, mais il laissa Geffrard retourner à son camp. Le 19 et le 20, Désiré reçut des lettres des généraux Lazare et R. Hérard qui l’engageaient à se réunir à eux, en lui offrant le grade de « général de brigade. » Ce colonel resta fidèle au gouvernement ; mais il assembla un conseil de guerre qui résolut de rétrograder au Camp Périn, attendu que les forces ennemies étaient supérieures à sa