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qu’il enverrait auprès des insurgés un officier chargé de leur faire savoir, qu’il profiterait de cette occasion pour se joindre à eux et revenir ensuite aux Cayes, tous ensemble, afin de porter Borgella à se prononcer en faveur de l’insurrection ; que de cette manière, il espérait réussir à les arrêter tous, sans coup férir. Mais C. Ardouin lui répondit ; « Vous avez été un bon ami de mon père, et vous m’avez toujours accordé votre amitié ; je dois vous parler avec toute la franchise que vous me connaissez. Si vous agissiez ainsi, ce serait un piège que vous tendriez aux insurgés, et vous devez vous en abstenir, pour votre honneur. Votre mission est de les dissiper, de les combattre à force ouverte ; ne faites que cela. » Cazeau reconnut la générosité de ce conseil dicté par une profonde estime ; et, mu alors par un sentiment chevaleresque, se doutant ou croyant que les insurgés n’étaient pas fort éloignés de Praslin, il fit faire par sa troupe la décharge de mousqueterie dont s’agit, afin de les avertir de sa présence sur les lieux. Telle était son intention.

On peut dire que Cazeau ne remplit pas ainsi son devoir militaire dans toute sa rigueur ; mais qu’on n’oublie pas que la situation des choses et des esprits était telle, que les convictions flottaient, si on peut le dire, entre la fidélité due au gouvernement et l’Opposition qui l’attaquait incessamment. On verra ce brave officier payer dé sa vie, la fidélité qu’il garda envers Boyer, que cependant il n’estimait pas, peut-être uniquement par ce louable honneur qui retient le militaire à son drapeau.

Dès le 27 janvier, avons-nous dit, le général Borgella avait informé le Président de la révolte de Praslin ; il lui adressa la lettre qu’il reçut de Rivière Hérard, et il continua, chaque jour, à le tenir avisé des événemens.