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présentait encore une grande quantité. Boyer fut excessivement irrité de ce résultat qui prouvait, ou qu’il y avait eu fraude, ou qu’il y avait eu négligence dans les opérations du retrait, en acceptant de faux billets qui circulaient. Enfin, après deux jours d’hésitation, il ordonna à l’administration de passer par ces fourches caudines, afin de ne pas porter atteinte au crédit de l’État ; le trésor remboursa donc une valeur de 179,000 gourdes en sus de l’émission totale.

Ce surplus énorme pouvait provenir réellement de l’acceptation de faux billets par le trésor, non-seulement dans cette dernière opération, mais antérieurement dans le retrait successif des billets de cette quotité ; car on en avait remarqué qui étaient fort bien contrefaits, et il n’était pas possible de vérifier cette masse par les cahiers à souche du trésor, puisque les talons s’usaient promptement dans la circulation.

Selon son habitude, l’Opposition tira parti de la courte hésitation du gouvernement, pour l’accuser de vouloir manquer à ses engagemens envers le public : ce qui accrut l’irritation du Président. Chaque jour apportait donc son contingent aux causes diverses d’un divorce entre le chef de l’État et une portion de la nation.

Bientôt après, une nouvelle circonstance se présenta à la capitale, que l’Opposition exploita encore.

Le gouvernement avait ordonné que la corvette de la République, la Pacification, allât en croisière sur les côtes du Nord, afin d’y faire la police, d’arrêter les contrebandiers qu’on disait être dans ces parages. Ce navire était commandé par l’enseigne Candiau Michel qui, n’en trouvant pas, se crut obligé de prouver néanmoins le zèle qui l’animait. Il rencontra deux bâtimens espa-