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l’adresse de Boyer dont l’anagramme était à peine dissimulée[1]. Il fut compris par tous les adeptes, et d’autant mieux que, ne contenant que de banales accusations formulées par l’envie et la haine, il était à la portée de la plupart d’entre eux : les opposans ne cachèrent point d’ailleurs l’intention de l’article qui représentait Boyer comme un despote égoïste.

Ce fut donc dans cette situation des esprits que parut la proclamation du Président. Mais suivons l’ordre chronologique, afin de donner suite aux vues et aux intentions de M. Levasseur, consul général de France, retiré volontairement à bord du Berceau.

Dans le courant de janvier, le gouvernement voulant expédier des fonds en France pour les échéances de l’indemnité et de l’emprunt, le secrétaire d’État Imbert écrivit au commandant Lartigue pour lui proposer de charger ces fonds sur le Berceau, si cette corvette devait partir pour la France, comme il en avait été question déjà : depuis 1838, l’administration employait toujours cette voie. M. Lartigue lui répondit ; « que ce navire ne partait pas, mais que d’autres navires de guerre devant incessamment arriver dans le port, d’après le vœu manifesté par le général Inginac, qu’il s’en présentât aux approches des prochaines élections pour les représentans, afin de contenir l’Opposition, le secrétaire d’État pourrait charger les fonds sur l’un d’entre eux. »

Cette réponse, remise au Président, le surprit extrêmement ; il ne crut pas le secrétaire général capable d’avoir manifesté un tel vœu, non plus qu’il ne l’avait jugé auteur

  1. Il était signé T. B., et si l’auteur écrivit Pierre Gebor, les opposans savaient qu’il fallait lire : Pierre Yebor. On dit même alors que plusieurs exemplaires de ce numéro du Manifeste parurent avec cette anagramme, mais que l’auteur de l’article, ayant eu peur d’une poursuite, fit substituer un G à l’Y, dans les autres.