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à Jérémie, était l’auteur de cette adresse et du vote de la médaille ; et son exemple, joint à la grande considération dont il jouissait, avait déterminé tous ceux qui y concoururent.

Cette décision du chef de l’État produisit une profonde sensation à Jérémie : la plupart des fonctionnaires destitués, adressèrent au Président des lettres privées par lesquelles ils lui déclarèrent : qu’ils n’avaient point entendu faire de l’opposition au gouvernement, qu’ils avaient été induits en erreur sur le sens du vote de la médaille et de l’adresse, etc. Tous ceux qui firent ces déclarations privées furent replacés dans les emplois qu’ils occupaient[1]. Mais M. Féry et d’autres restèrent opposans par le fait même de leur destitution, et ne croyant pas qu’il était de leur honneur de se rétracter d’un acte qu’ils avaient souscrit en toute liberté[2]

  1. Il est juste de dire, que la plupart d’entre eux s’étaient laissés persuader, que la Chambre marchait en harmonie avec le Président, d’après le compte-rendu de la députation en date du 4 septembre, publié sur la Feuille du Commerce.
  2. Au commencement de ce chapitre, on a vu un acte d’opposition de la part de M. Féry, dans le refus de payer la patente à laquelle il était soumis. L’histoire doit tout dire des hommes dont elle parle, afin que l’on sache les motifs de leur conduite ; et ce que je vais relater, je l’ai su du président Boyer lui-même, dont on jugera aussi la conduite.

    En 1837, M. Féry était venu au Port-au-Prince, appelé par le Président. Celui-ci me dit, après qu’il eût prononcé toutes ces destitutions à Jérémie, qu’ayant été mécontent de M. Merlet, substitut du commissaire du gouvernement, il avait voulu placer M. Féry commissaire près le tribunal civil de ce ressort ; que lui ayant proposé cette charge en lui témoignant le désir qu’il l’acceptât, M. Féry avait cédé à ses instances et recommandé M. Numa Paret, son gendre, pour lui succéder dans la charge de trésorier, étant déjà chef de ses bureaux et d’une probité honorable. Boyer accepta à son tour et promit à M. Féry de lui envoyer incessamment des lettres de provision pour lui et pour son gendre. Mais, me dit-il, à peine M. Féry était il retourné à Jérémie, qu’il fut dénoncé par le général Segrettier comme voulant favoriser le curé de la paroisse, dont la conduite scandaleuse avait suscité des plaintes de la part des autorités publiques et d’une grande partie des paroissiens. Alors, Boyer revint sur sa détermination et envoya un brevet de commissaire du gouvernement à M. Merlet, sans rien faire dire à M. Féry. Or, ces deux hommes étaient déjà en mésintelligence : on conçoit quel dut être le sentiment éprouvé par M. Féry, en voyant élever en grade son antagoniste dont le Président s’était plaint a lui-même, et en ne recevant aucune explication de sa part.

    Quand Boyer m’eut dit ces choses, je lui répondis : « Je ne m’étonne pas de l’opposition que fait M. Féry à votre gouvernement ; car permettez-moi, Président, de