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l’injonction de lui rapporter, dans la huitaine, la lettre qu’il voulait avoir pour servir de base à l’arrestation des conspirateurs. Cet officier ne revint à la capitale que le 18 janvier, porteur toutefois de la lettre dénonciatrice de Gervais Henri seulement. Il répugnait sans doute au général Guerrier de compromettre les autres individus. Mais Boyer fut mécontent, et du silence gardé à leur égard, et du délai qu’avait mis ce général à réexpédier son aide de camp auprès de lui. En même temps qu’il envoyait un officier porteur de l’ordre à ce général de se rendre au Port-au-Prince, il en envoyait un autre au Cap-Haïtien pour ordonner au général Léo de faire arrêter Gervais Henri, et de l’expédier sous bonne escorte. Mais le général Guerrier, dont la santé était souvent altérée, ne parut à la capitale que dans le courant de février, ce qui porta Boyer, néanmoins, à lui ordonner les arrêts dans sa demeure, après lui avoir adressé les plus vifs reproches de sa molle conduite en ces circonstances[1]. Quant à Gervais Henri, on ne put ou on ne voulut pas l’arrêter ; il se tint caché[2].

À l’arrivée, au Cap-Haïtien, de l’officier porteur de l’ordre de son arrestation, les conspirateurs furent tous en émoi : ils reconnurent qu’il ne fallait pas compter sur le général Guerrier. Néanmoins, craignant leur propre arrestation, ils se décidèrent au mouvement, dans l’espoir d’y entraîner les indécis, les masses des campagnes, peut-être même ce général qui ne se pressait pas de se rendre à la capitale. Le colonel Izidor fut celui qui se chargea d’en

  1. Pendant que ce géneial était aux arrêts, on jeta sous le pas de sa porte un billet séditieux, par lequel on l’engageait à ne pas desespérer, que le peuple avait les yeux fixés sur lui, etc. Son premier soin, en ouvrant la porte le lendemain matin, fut de le faire parvenu à Boyer avec des assurances de fidélité. Peu de jours après, il reçut l’ordre d’aller reprendre son commandement.
  2. Condamné à mort par contumace, Gervais Henri vécut plusieurs années caché, et mourut de mort naturelle. On n’en fut certain qu’après la chute de Boyer.